Allaiter & (Dé)Culpabiliser
- Nathalie Albertini
- 10 févr. 2018
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 nov. 2020
Je travaille depuis plusieurs années en périnatalité, auprès des femmes de tous horizons et tous les milieux. J'écoute les mères comme marraine d'allaitement, j'enseigne aux futurs parents. Une chose nous relie toutes, trop souvent, et certainement davantage lorsque nous devenons des mères; cette fichue culpabilité qui se colle à tout. Vous les mamans, vous voyez bien de quoi je parle, hein?

Oui, celle-là. Celle que la société, à travers l'éducation faite aux femmes/filles a vissé au fond de nos têtes. Celle qui revient dès qu'on croit qu'on ne répond pas à toutes ces attentes placées sur nos épaules. Celle qu'on absorbe et qui nous colle aux semelles qu'on soit compétente ou non, qu'on soit forte, belle, courageuse, patiente, gentille ou pas. La Culpabilité avec un grand C, le sentiment le plus équitablement répandu chez les mères occidentales. Ce qui extraordinaire, c'est que dès que l'accouchement est terminé ou presque, elle s'installe en nous. Pour certaines, cela commence dès que les techniciens d'échographie et les médecins nous font des commentaires sur ce foetus ''petit'', ''gros'', ''pas assez'', ''hors norme'', ''à surveiller''... et voilà, c'est parti! Nos cerveaux font des additions et des soustractions, si ça va de travers c'est à cause de mon incompétence; j'ai failli! Mon corps n'est pas performant. Avant même d'avoir commencé le job de maman, on se sent souvent fautive de tous les bobos qui concerneront nos progénitures.
Pourtant, n'importe laquelle d'entre nous sera indulgente pour l'épuisement d'une autre mère, son manque de patience occasionnelle, son désarroi devant un bébé hurlant avec qui on a tout essayé. Nous savons toutes que nous faisons du mieux que nous pouvons, que nous cherchons aussi pour la plupart d'entre nous à nous améliorer, à apprendre pour faire notre maximum. Mais on regarde notre bébé, on le voit malheureux, on se sent impuissante à le consoler. Immédiatement, c'est la faute de trop de lait, pas assez de lait, les mamelons n'ont pas la bonne forme, je ne sais prendre le bébé comme il faut. Je vous dirais pourtant que certaines difficultés viennent plutôt du bébé. Mais si ce bébé tète de travers, ne s'accroche pas au sein, se fâche au sein, encore ne fois, les mères préfère s'accuser de ne pas savoir y faire que de chercher à comprendre le comportement de bébé.

En allaitement, c'est un sentiment très sournois. Le lait vient de notre corps, on ne contrôle pas exactement ce qu'il y a dedans, mais la plupart des mères savent que cela représente ce qu'il y a de plus adapté au développement de leur petit. Alors, que penser de nous-même quand tout ne va pas de soi, et qu'on rencontre des défis? Une maman qui voit la balance du soignant revenir au même poids une semaine plus tard se sent comme la pire mère qui a jamais existé. Pourtant cela fait une semaine qu'elle ne dort plus, qu'elle serre les dents pour supporter la succion sur des blessures, et qu'elle tire du lait entre chaque boire pour maintenir sa production. Il n'y a pas de plus grande volonté que celle de cette maman qui veut fournir la potion magique à son nouveau-né et qui met tant d'efforts pour y arriver, sachez-le. L'impression sous-jaçente de ne pas "être bonne" est terrible dans ces moments fragiles, car on n'a jamais vécu quelque chose de semblable, donner autant de soi , généralement en étant épuisée par-dessus le marché...
Lorsqu'une mère rencontre des difficultés en allaitement et qu'on ne sait pas comment l'aider, lui dire que ce n'est pas grave, qu'il y a des formules et des biberons disponibles au coin de la rue, qu'elle n'a pas à endurer tout cela... Alors que son souhait est d'allaiter son enfant. Croyez-vous que cela soutienne cette mère dans son nouveau rôle? Elle pourra juger de sa limite s'il est temps pour elle de cesser d'allaiter. Mais être soutenant, ce serait plutôt de chercher des solutions qui l'outille ou la renforce dans ses capacités à aller plus loin dans les solutions.

Il serait heureux de prendre le temps de féliciter ces mères, de donner la petite tape dans le dos à tous ces parents qui travaillent fort pour que nos enfants soient soignés avec amour, nourris au meilleur, accueillis dans la bienveillance et le confort de leurs besoins et de leurs capacités. Penser aussi à aller chercher une aide compétente en allaitement, afin de comprendre les sources des difficultés et appliquer des solutions appropriées. Trop d'histoires de sevrage, de manque de lait se terminent sur des malentendus. Comment se sentiront ces mamans plus tard dans leurs vies lorsqu'elles apprendront qu'on aurait pu les aider à régler les problèmes, augmenter la production, rééduquer un bébé à téter? Sans doute coupable encore de n'avoir pas entendu la bonne information du bon spécialiste au bon moment. Et c'est la ronde des "si j'avais su..".
Monsieur le ministre de la Santé, pourriez-vous mettre ça au programme et dans l'emploi du temps de nos infirmières débordées, s'il vous plaît? Faire une vraie place pour les accompagnantes à la naissance et aux relevailles dans le système public de la santé. De vraies formations en allaitement pour tous les soignants qui oeuvrent sur les planchers de naissance des hôpitaux ou les maisons de naissance. Des consultantes en lactation IBCLC au service de chaque bébé qui naît...? Du soutien pour les établissements afin de devenir "Initiative Amis des Bébés" et des mamans...
Que ceux qui sont là prennent quelques minutes pour encourager, féliciter, conforter les jeunes parents débutants dans leurs efforts, leur expliquer ce qui leur arrive. Peut-être leur donner le goût d'en faire plus encore, car une longue expérience d'embûches et de pression sociale les attend en sortant de l'hôpital. Ils vont avoir besoin de courage, de soutien, de fous rires pour y arriver. Ils vont devoir lire, défaire leurs anciennes idées préconçues, faire face aux préjugés qu'on voudra leur coller dessus, et bravement élever leurs petits dans la tourmente d'une société capitaliste, pressée, toujours affamée de la dernière mode. Cette société sans pitié pour ceux qui ne consomme pas, qui prennent leur temps, qui goûtent le peau-à-peau au maximum.

Ils devront même trop souvent questionner les soins proposés par le système, qui éclairent si peu leurs choix, qui éduquent si peu aux alternatives, qui nourrissent par collaboration les compagnies pharmaceutiques. Ils devront chercher leur équilibre et leurs vérités dans les valeurs de leur micro-famille naissante et balbutiante, à la lumière aussi de leurs expériences. Mais trop souvent cela au prix de leur détresse et de l'incompréhension de leur entourage.
Je milite ici pour que les femmes fassent leur chemin dans l'aventure de la maternité dégagée du fardeau de se sentir coupable pour tout ce que vivra leur bébé, leur enfant. Se sentir responsable et concernée est important évidement, mais la culpabilité, sachez bien que c'est un trait toxique qui appartient à des règles Judéo-chrétiennes qui ne nous conviennent plus.
Les femmes modernes ont besoin de croire en elles. De savoir qu'elles sont fortes et capables de grandes choses. On peut leur donner les outils, leur apprendre comment fonctionne leur corps, leurs seins. On peut aussi leur faire savoir que leurs bébés sont bourrés de compétences et de savoir-faire dès la première minute après leur naissance dans le monde aérien. Encore faut-il les décoder, les comprendre et y répondre. Les pères et les conjoints ont eux aussi un rôle à jouer dans cet épanouissement des mères. Valider vos expériences auprès d'autres femmes qui vivent les mêmes situations que vous, en allaitement, en maternage, et poser des questions, écouter les autres. Cela permet souvent de ventiler, de comparer dans le bon sens nos expériences pour relativiser notre vécu, et voir que nous ne sommes pas seulEs dans notre désert.
Traverser les difficultés en étant créatifs, critiques, sans perdre de l'énergie avec les sentiments de culpabilité qui nous coupent de l'observation de nos enfants, qui nous pousse à consommer, qui nous éloigne aussi du bonheur. Allez, on essaye!??

Je vous invite chaleureusement à profiter de mon cours GRATUIT sur "les Besoins du Nouveau-Né", afin de vous outiller d'avance pour connaître les comportements et les habiletés de votre petit trésor!
Nathalie A.
formatrice + Intervenante en Allaitement Maternel - à votre service pour une expérience d'allaitement sereine! - Marraine d'allaitement - Assistante-Natale - Montréal 24/7
Photos: Gratuite de Wix Editor, Babycenter, N.Albertini
Comments