Comprendre le nouveau-né
- Nathalie Albertini
- 20 janv. 2024
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 12 mars 2024
Le nouveau-né humain est un être très immature. Il arrive au monde terrestre avec tous les outils pour vivre et fonctionner. Mais cela lui demande parfois un petit temps d'adaptation à la mise en route de ses systèmes. Le disque dur est livré complet, avec son interface. À partir de sa naissance se mt en place une sorte de téléchargement par étapes de tous les exécutifs dont a besoin son système d'exploitation!

Un être connecté à ses sens
Le nouveau-né possède dès le départ une exacerbation de ses sens. Comprendre que notre nouveau-né est un hypersensible peut nous permettre de mieux interpréter certains comportements ou réactions qui nous paraissent intenses. On parle quand même d'un nouvel arrivant , qui fait face à énormément d'expériences changeantes dès le premier jour de sa vie. Son odorat est le premier sens qui va le guider, lui permettre de reconnaître sa mère, aller vers le sein. L'autre sens qui lui donne tout plein de compétences en le reliant à ses réflexes; le toucher, le contact. Le nouveau-né est un être qui a été contenu dans l'utérus dans un contact et une chaleur continus durant toute la grossesse. Il ne connaît que cela. À sa naissance, il doit faire une expérience nouvelle, celle de l'espace et de l'ouverture. Ses membres se déplient et sa cage thoracique connaît alors un aplatissement du dos inconnu jusque là. Vous le verrez souvent dans les premières semaines détester cet effet d'ouverture de son tronc. L'écartement de ses bras ou de ses jambes sur la table à langer par exemple peut le paniquer. Il connecte immédiatement à son réflexe de Moro, qui est le raidissement dans la sensation de tomber, un réflexe naturel et archaïque qui correspond à un geste de défense.
Des réflexes très utiles
Le réflexe de Moro comme d'autres réflexes archaïques font partie normalement de sa constitution dès les premières de la vie du nourrisson. Il est heureux de voir l'enfant manifester ses réflexes, et les soignants qui veillent sur sa santé et la vôtre vont généralement vouloir les observer dans les premières heures pour déterminer si le bébé arrive au monde en bonne santé. On souhaite généralement observer les 7 principaux réflexes dits 'archaïques' du nourrisson;
· Le 'Grasping Reflex' : bébé s'agrippe et serre très fort ses doigts ;
· La succion qui lui permet de téter ;
· La marche automatique : bébé, maintenu sous les bras par le ou la soignantE, avance ses jambes comme pour faire des pas ;
· Le réflexe des points cardinaux : caressez-lui la joue et il tourne sa tête du même côté ;
· Le réflexe tonique du cou : bébé redresse légèrement son cou et son dos lors d’un examen pratiqué par le ou la soignantE ;
· Le réflexe d’allongement croisé : lorsque l’on chatouille le pied du nourrisson, il allonge l’autre ;
· Et enfin, le réflexe de Moro qui vient en réponse à un stimulus inconfortable et qui servait historiquement à l’enfant pour lui permettre de s’agripper à sa mère.
La succion est une version très résumée de toute la gamme de réflexes alimentaires qui font réellement partie de ses compétences pour apprendre à téter et devenir efficace au sein. Le bébé vient en quelques sortes équipé pour ses apprentissages, mais il faudra bien entendu être exposé à de l'expérience pour parfaire son art et devenir un expert :-)
Il y a l'ouverture de la bouche, la salivation, le réflexe de fouissement, porter les doigts à la bouche ou téter tout ce qui passe par là, le bébé a pas mal de réflexes que l'on appelle aussi des signes de faim, qui expriment qu'il est réceptif aux apprentissages, prêt à aller au sein et faire ce qu'il doit y faire. Ensuite, il déglutit (tout en respirant), il utilise aussi ses mains pour s'orienter ou/et organiser sa respiration. Tout cela participe à une bonne mise en route et au bon déroulement d'une tétée...
Les entraves des premiers pas pour s'alimenter
Des fois, ça fonctionne tout seul, et facilement dès le début. Mais d'autres fois, ça peut prendre un peu de temps. Plusieurs circonstances peuvent entraver l'alignement de toutes les séquences réflexes qui lui permettent d'avoir un succion optimale. Par exemple, être sonné et endormi suite à une naissance longue et ayant impliqué plusieurs interventions, médicamenteuses ou mécaniques. Les accouchements ont beaucoup d'impact sur les réflexes des nouveau-nés, et donc leurs capacités à téter efficacement dans les premières heures, mais parfois aussi dans les premières journées. Ainsi par ricochet, le démarrage de la lactation peut se retrouver défaillant par un manque de stimulation efficace au bout des seins. C'est seulement lorsque le ou la soignant.e pèsera l'enfant qu'on s'apercevra qu'il faudrait le nourrir davantage, le 'supplémenter' puisqu'il ou elle a de la difficulté à rester au sein, à téter vraiment ou à avaler du lait. Il serait important de vérifier dès le commencement la présence de colostrum, d'offrir le peau-à-peau au nouveau-né, d'autant plus si la naissance a présenté des imprévus ou s'est déroulé difficilement. Si supplémentation il y a, commencez toujours par exprimer du lait maternel et demandez de l'aide pour offrir des manières de nourrir sans interférer dans ses apprentissages au sein. Un bébé 'fatigué' pourrait vite préférer les méthodes faciles aux efforts nécessaires pour obtenir du lait en tétant le sein de sa mère (on le comprend).

Les pleurs
Tous les bébés pleurent, plus ou moins. Il y a des jours avec des périodes chargées en pleurs et d'autres moins. Ces pleurs ne sont pas nécessairement le signe d'un problème. Il faut réellement que cela soit récurrent (plusieurs jours d'affilée), intense, long aussi (on parle de blocs de 3 heures, c'est énorme!). D'après mon expérience des nourrissons, lorsqu'on a fait tous les gestes pour prendre soin d'eux, et qu'il ne s'agit pas d'une manifestation d'inconfort (froid, faim, couches pleine, qui gratte, solitude, etc), le nourrisson est assez facilement consolable lorsqu'on revient au peau-à-peau. Pas juste dans vos bras, pas bercer, promener, porte-bébé. Bien que tous ces niveaux de proximité peuvent parfois suffire à le calmer. Si ce n'était pas suffisant, enlevez votre chandail, enlevez ses vêtements, collez-vous ensembles, emmitouflés dans du chaud et regardez un film, écoutez votre musique préférée, chantonnez dans vos joues pour que cette vibration ronronne à travers sa peau... Si vraiment ça ne fonctionne pas... Alors oui sans doute qu'on a un problème plus profond, une difficulté sur le circuit digestif, une douleur quelque part quelque soit son origine, pour laquelle il faut un avis médical. La douleur occasionne des pleurs et des cris beaucoup plus aigus que les autres pleurs.
Le sommeil
Durant les premières semaines de sa vie, le cycle d’éveil et de sommeil du nourrisson varie selon ses besoins et son tempérament. Certains bébés s’éveillent presque seulement pour boire. D'autres ont de plus longues périodes d’éveil dès les premiers jours de vie. Les périodes d’éveil seront plus longues au fil du temps. C'est seulement autour de 4 mois qu'on peut réellement noter une différence, généralement les rythmes s'installent autour de cet âge et les besoins et cycles de sommeil du bébé changent autour de cet âge-là (A-t-on déjà parlé du 4ème trimestre de grossesse?). Comme chez l’adulte, le sommeil du nouveau-né passe par plusieurs cycles différents : somnolence (éveil léger), sommeil calme et sommeil agité. Durant la période de sommeil agité, il n’est pas rare que l’enfant fasse des mouvements de succion, qu’il grimace, sourit, sursaute, tremble, pleure, grogne, respire fort et bouge. C’est normal et il n’est pas utile de le réveiller pour le réconforter. Par contre, vous pourriez penser à le réveiller s’il a besoin d’être stimulé pour boire. Cela est assez fréquent au tout début, fiez-vous aux conseils de vos soignants qui pourront vous guider les premières journées sur la conduite à tenir. Pensez à en savoir davantage sur la deuxième (ou troisième) nuit, car elle ne ressemble en rien aux autres!
Les rythmes
À sa naissance, aucun rythme. Le nouveau-né est déjà familier à plusieurs gestes qui vont lui servir; interagir (compétences relationnelles), éveils spontanés, succion, déglutition entre autres (compétences dites alimentaires par des réflexes archaïques) indépendants de la faim et de son estomac.
Sa maturité neurologique, va tranquillement s'installer au fur et à mesure de ses acquisitions, à la fois dans sa capacité à gérer ses systèmes, mais aussi dans sa prise de poids (plus il grossit, plus les connections neuronales vont le faire maturer, en gros).
Sa capacité à interagir et à obtenir du lait maternel en suffisance va amener le nourrisson à se transformer en bébé capable d'intégrer des rythmes, à la fois circadiens, et des habitudes reliées au fonctionnement de ses parents, de son environnement et de l'impact de cette famille sur son développement (optimal). Bien entendu, je parle ici de bébé qui ne présentent pas de condition particulière qui peut affecter la chronologie de ses acquisitions de développement neurologique et moteur.

Son super-pouvoir: compétence relationnelle avant tout
Dès la vie utérine, le foetus est capable d'interaction aux différents stimulis qui se rendront jusqu'à lui, et le cocktail hormonal par la circulation ombilicale semble ressembler à une forme de communication entre la mère et l'enfant. Il est heureux de réfléchir au bébé en gestation pour comprendre le nouveau-né, si on se fie à son expérience de la grossesse, il arrive déjà fort de plusieurs compétences relationnelles. Curieusement, dès qu'il ouvre les yeux, il recherche absolument à croiser une autre paire de yeux pour s'y accrocher. On sait que les nouveau-nés reconnaissent leur mère grâce à leur odorat. Mais le contact et le regard semble ancrer ce nouvel humain dans une relation qui va se peaufiner jour après jour. Il est certain que même l'impulsion des réflexes d'éveils pour aller au sein, compétences alimentaires qui lui permettent de téter est conditionnée par sa capacité à attirer votre attention, puis à vous inciter de lui offrir ce dont il a besoin;
- les bras (réconfort, chaleur, kinésique, etc),
- la proximité (peau-à-peau, portage, câlins, etc)
- le sein (nourriture, hydratation, immunité, régulation des systèmes, etc)...
Plus les éveils et les rythmes de votre enfant vont s'allonger, plus vous aurez de périodes de curiosité. Vous verrez votre bébé amorcer un sourire, vous imiter de plus en plus, faire des sons intentionnels, des amorces de gestes aussi. Le téléchargement de tout le reste ne lui sert qu'à investir dans ces moments-là, ceux où vous avez le temps de parler, chanter, sourire, raconter des histoires, lui dire qui vous êtes ou ce qui se passe autour. Les bébés reconnaissent rapidement les voix différentes qui l'entourent, le chien qui vit dans sa maison, la musique d'un jouet qu'il entend régulièrement, ou même le générique de votre émission de radio préférée... Il devient donc une personne dotée de souvenirs, et il s'attache aux émotions qui vont avec ces expériences.
Afin de se rendre à cette étape où les interactions se multiplient et prennent de plus en plus de place au travers des tétées, des dodos et des soins, qui font se ressembler toutes les journées des premières semaines... le nouveau-né a besoin d'une période de transition. Ces adaptations néo-natales vont se faire dans la suite logique d'une grossesse trop courte pour ses systèmes immatures. Dans vos bras, collé sur votre coeur. Beaucoup d'heures de sommeil partagé (de façon sécuritaire bien sûr), plusieurs heures de vos vies de jeunes parents suspendues où vous vous demanderez inlassablement si votre vie d'avant reviendra un jour, ou plus simplement si vous aurez quelques minutes à vous dans la journée pour aller au toilettes (seul/seule)!
Cette période d'adaptations spectaculaires pour le nouveau-né dure environ 3 mois. C'est ça qu'on appelle le quatrième trimestre de grossesse. Le nom de ce concept le dit bien, notre petit être inachevé va vivre la fin de sa gestation (développement de tous ces systèmes afin d'être prêt à fonctionner de façon 'autonome') en-dehors de votre ventre, mais le plus proche possible de ce qui y ressemble. Vos bras, votre peau, le sein à l'éveil (à la demande dit-on) ou du moins sans restriction. Après ces 3 mois, vous aurez un bébé tel qu'on se les imagine.
Ce 4ème trimestre de grossesse est aussi une période de transition et de transformation des deux personnes qui deviennent parents. De façon pratique, les bouleversements sont tangibles, tous les cours prénataux vous en parlent. Mais sur le plan émotif, le 'devenir parents' est aussi un temps d'adaptation non négligeable, qui teinte votre façon de percevoir et d'accueillir votre nouveau-né, tel qu'il se présente.
Prenez le temps d'y songer, et d'être indulgents avec votre propre temps d'apprentissage. Pour comprendre le nouveau-né, il faut l'écouter, l'observer et le garder très proche de vous. Quand vous aurez compris qui il est, ce qu'il veut et comment ça fonctionne, il sera déjà un autre!
Merci de partager!
Nathalie x
écrit le 14 mars 2023
Références:
Benetreau, M. (2020). Spinoza à la maternité: l’admiration pour le nouveau-né. Bulletin de l'Association des amis de Spinoza, (45), 5-20.
Borghini, A. (2021). Comprendre le bébé dans tous les sens: l’importance des flux sensoriels pour soutenir la régulation émotionnelle. Périnatalité, 13(2), 90-95.
Junier, H. (2022). Les émotions à l'aube de la vie: expressions de l'émotion au sein de l'échange parent-nouveau-né. Dunod.
Kommentare