L'Allaitement bienveillant
- Nathalie Albertini
- 14 déc. 2023
- 4 min de lecture
16 février 2020
Je travaille depuis plusieurs années en soutien direct aux familles qui souhaitent allaiter. Je les vois, je les côtoie, tous ces braves bébés, et toutes ces mères remplies d'espoir. Ces pères inquiets qui veulent se réinventer, proches et protecteur de leur petite tribu. Je les trouve trop souvent malheureux, perdus, méfiants.
Je m'explique.
Certes, ils ont de la joie d'accueillir un enfant. Mais cette joie est ternie par l'aridité de la tâche. Aujourd'hui. devenir parents est essentiellement une affaire de maturité intellectuelle. Une autre tranche de consommateurs. Devenir responsables de quelqu'un, performants dans la façon de prendre soin de ce petit être, et être jugés sur nos choix d'éducation, de principes éducatifs et autres, est une bataille perdue d'avance.
Toutes ces mères déterminées, qui s'accrochent devant les défis, qui tiennent bon, qui se battent et retroussent leur manches pour offrir à leur bébé leur lait, sachant que cela fait la différence pour la santé à long terme. Elles méritent que de voir toujours leur fierté rejoindre le reste des considérations affligeantes du système de santé On s'occupe de peser le bébé, de donner des consignes sans prendre le temps d'expliquer aux parents comment fonctionne la lactation. Non, ce qui compte c'est que la balance affiche le nombre de grammes supplémentaires pour cocher une case sur le dossier, et ranger ce dossier pour en gérer un autre.
Elles s'accrochent et souvent les partenaires les suivent dans cette aventure un peu folle, où les parents font l'expérience difficile de se retrouver seuls face à l'adversité.
Seuls dans l'océan des contradictions. La santé publique, les recommandations des instances internationales. Être éduqués pour vivre l'individualité, et faire une expérience de fusion obligatoire. Peau-à-peau, dépendance, nourrir à la demande, toutes ces notions qui vous enlève un peu beaucoup de votre temps personnel et intime.
Pourquoi ne pourrait-on pas rêver à un allaitement différent? une sorte de trêve avec tout ce que propose la société néo-libérale; le contrôle, la performance, la vitesse, le consommer-jeter.
Pourquoi pas allaiter pour se faire plaisir? Pour lâcher-prise, pour trouver que la vie de parents est la plus simple expression de découvrir un petit être humain avec notre flair, notre peau, avec nos doigts le reconnaître, le sensibiliser aux forces humaines de découvrir, de sentir, de goûter la vie plutôt que de l'intégrer dans la tête. La vivre en-dedans de nos sens, et laisser l'instinct prendre le dessus.
Un tout petit moment dans notre vie, le cerveau se déconnecte. On laisse de côté la bienséance, la politesse, le challenge qui nous donne une médaille de reconnaissance auprès de nos pairs.
On laisse tout cela. On respire trois fois.
Profondément. Et on découvre le petit corps chaud, écrasé sur notre torse. On passe la main doucement sur son dos pour lui couvrir les épaules et sentir sous nos doigts sa respiration. Essayez de découvrir en même temps que vous écoutez vos doigts, le charme de son odeur. Fermez les yeux et sentez votre bébé. Comme il sent bon, parfois aigre, il y a peut-être quelque chose dans sa couche (ça arrive souvent hein).
On peut respirer ce bébé et le sentir se détendre sur nous, pendant qu'on sent se relâcher nos propres muscles.
On peut aussi ressentir la confiance en lui, la confiance en nous-mêmes.

Photo: Pexels libre de droits - Tassimo Esposito
Et si on réinventait l'allaitement?
On le rendrait facile, indulgent, adapté à toutes les possibilités. Juste parfait pour être vécu sans stress, sans devenir le meilleur, la meilleur, les meilleurs. Juste comme ça nous chante, en beauté, en simplicité! faire ce qu'on peut et y arriver, parce que d'autres parents nous aideraient, parce que nos aînés nous encourageraient. Parce que toute la société trouverait ça normal et bienveillants qu'on fasse exactement comme ça nous ressemble d'être parents. De devenir ces parents-là tranquillement. Essais-erreurs. Éclats de rire. Sanglots de larmes. Doutes affreux. Fierté de gamins qui nous fait sourire.
Laissez ces jeunes parents découvrir l'amour. La puissance de ce qui va émerger dans leurs coeurs devrait les faire grandir, et devenir important. Ils ont besoin d'écoute et de tribune. Ils ont besoin d'explorer la façon d'accompagner leur enfant dans le respect et en se respectant.
Avant l'accouchement, imaginez un allaitement facile, juste parfait pour vous, tel que rêvé au fond de vos instincts. Pas comme dans les magazines de parents parfaits, ni les magasins remplis d’objets souvent inutiles, pas de performance inutile.
L’allaitement, une occasion parfaite pour faire une expérience hors du commun, hors du temps. Une facilité pour l’écologie, pour votre propre écologie; celle d’épurer vos besoins et de stopper la course folle des pensées limitantes. Le moment présent, l’acuité dans nos sens, intégrer notre corps.
Alors, peut-être les nouveaux parents auront l’espace d’être créatifs, de vivre leur métamorphose dans la bienveillance, d’espérer devenir des parents intègres et unis. Et humbles aussi. Accepter nos limites, accepter l’aide, recevoir du soutien de toute la communauté (bienveillante elle aussi), de tous ces soignants sur la route de l’accouchement aux premiers rendez-vous de pédiatre…
Rendez-vous auprès des familles pour inventer ce nouvel espace bienveillant autour des familles. Allaiter pour la joie, allaiter comme un cadeau. On essaye de changer la culture?
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