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La première rencontre, si déterminante et si fragile

Dernière mise à jour : 12 mars 2024


28 mai 2021

par Nathalie Albertini


Bébé passe enfin le dernier virage, sa tête est née, à la prochaine contraction, tout son corps sortira comme une torpille. La plupart des mères vous diront que c'est l'instant qu'elles ont rêvé durant leur grossesse. Attraper ce nouveau-né, le tenir collé sur son ventre. Chercher ses yeux, sans doute reprendre son souffle. Certainement, le placenta n'est pas encore sorti mais la rencontre a lieu, sur le ventre et la poitrine de maman, ils peuvent se voir et se sentir "de l'extérieur". Enfin, le voilà. Enfin, la voilà.



Photo: Pourquoi Doc


Mais ce moment magique est très souvent parasité par d'autres gestes. Les soignants sont aux aguets pour être sûrs que bébé va respirer (il a encore le cordon qui lui apporte de l'oxygène pour quelques minutes avant le décollement du placenta). Les sages-femmes surveilleront que tout se déroule normalement en privilégiant de laisser le bébé sur sa mère. D'autres protocoles en hôpitaux coupent rapidement les cordons, et manipulent les bébés immédiatement sans que cela soit nécessaire si vite. Oui, on est d'accord, si un bébé ne respire pas, on veut tous que des mains compétentes viennent pour l'aider à arriver sur Terre. Si sa santé le requiert, c'est certain que je ne vais pas empêcher sa réanimation ni tous les soins pour secourir mon enfant.


Pour avoir observé tant de naissances comme accompagnante à la naissance, et comme assistante aux sages-femmes, je déplore simplement que si souvent, les mains gantées séparent ce nouveau-né du ventre maternel. Ne peut-on aspirer les sécrétions de la bouche du nouveau-né en le faisant sur la mère? Ne peut-on assécher le bébé sans le séparer du buste maternel? Est-il si urgent de rompre le cordon ombilical? De voir sortir ce placenta dans les minutes qui suivent?

Assurément non. Quand ce bébé et cette maman vont bien, non. Quand on connaît le déroulement naturel d'un accouchement, non.

Les études récentes et la science (1) ont démontré que le nouveau-né suit une séquence instinctive bien précise, qui le mène au sein, mais pas seulement. Il semblerait que lorsque le nouveau-né manifeste et exprime tous les réflexes qui le ''mènent'' à sa première tétée, il mémorise une sorte de séquence qui lui permettra d'être beaucoup plus ''performant'' par la suite pour aller au sein. Grosso-modo. Car plus on étudie le peau-à-peau, plus on découvre son importance.

Si aucune perturbation ne vient interférer dans ses compétences, le bébé humain possède autant de talents ignorés de tous les observateurs, qui lui permettre de faire exactement les bonnes choses.

On sait que la température des seins de la mère augmente pour ''réchauffer'' le nouveau-né, il se produit une décharge d'ocytocine dans le corps de la mère dès qu'elle le tient en peau-à-peau. Cette maman donc fait aussi spontanément tout ce qui est parfait pour le bébé, c'est son habitat naturel entend-t-on. Michel Odent (2) a observé sur des centaines de naissances où personne n'intervenait, que la plupart des femmes avaient des gestes instinctifs, comme frotter le dos de son nouveau-né, de le coller sur sa poitrine, lui parler à voix basse, reproduisant les stimulis connus du bébé par le contact à travers le ventre maternel. On sait aussi que le geste de faire des bisous (déjà le coloniser de cette flore personnelle) a beaucoup de conséquences importantes. Tous ces gestes spontanés participent à éveiller le nouveau-né et le réchauffer dans le monde aérien. Les nouveau-nés dans cette situation ne pleurent pas ou si peu, et ils ne poussent pas de grands cris de désarroi. Ils ont au contraire un calme et une une volonté d'ouvrir les yeux pour croiser le regard bien-aimé de leur tendre maman. C'est évident pour tous ceux et celles qui ont pu observer des naissances naturelles et spontanées, le nouveau-né est à la bonne place en peau-à-peau sur sa mère.

Ce peau-à-peau dont on vante les bienfaits, sans savoir à quel point il peut être crucial pour le nouveau-né d'y avoir accès, dès ce moment particulier appelé le "golden hour" (plutôt les deux premières heures suivants la naissance), qui se transforme en "période sensible" pour environ les 6 semaines qui suivent. Heureusement , les parents comme les soignants en entendent parler, et de plus en plus de gens savent que le peau-à-peau est un incontournable. En allaitement du moins, il est évident que le contact peau-à-peau aide beaucoup de bébés à retrouver leurs réflexes, et leurs comportements/compétences. Les bébés qui ne peuvent pas rester sur leurs mères durant la période sensible connaissent davantage de difficultés en allaitement, et en lactation pour leurs mères. Pour ces bébés, l'allaitement dure généralement moins longtemps, et on peut observe une baisse notoire de la production de lait dans les mois suivants.



Photo: Wix


Ne vous privez pas du grand bonheur de garder votre tout nouveau et tout chaud bébé sur vous jalousement. Ce moment spécial, faites-le pour optimiser l'expérience d'allaitement et faciliter tout ce qui suivra. Protestez si on veut vous l'emmener, lui faire la pesée ou je-ne-sais quel soin qui pourra être fait deux heures plus tard. Gardez farouchement le nouveau-né à sa place, entre vos seins, et détendez-vous. Savourez l'instant, pleurez, riez et faites les premières photos, collés sur papa. Mais ne lâchez pas votre premier peau-à-peau, c'est votre premier geste et non le moindre pour la belle expérience d'allaitement qui commence dans 5, 4, 3, 2...

 Je veux dire aux conjoint.e.s qu'ils auront bien souvent l'occasion dans les prochaines semaines de soulager une maman fatiguée et de faire à leur tour le fameux peau-à-peau pendant que leur chérie se repose. Cela ne stimulera pas la lactation ni les réflexes de bébé pour aller au sein, mais gageons que ce sera aussi un moment magique...


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Références:

(1) Lisez l'excellent Dossier sur l'Allaitement DA51 de la Ligue La Leche pour comprendre le processus physiologique qui anime le nouveau-né et son importance.

(2) Genèse de l'homme écologique de Michel Odent, philosophe et sage-femme français ayant écrit plusieurs ouvrages marquants dans les réflexions sur la naissance et l'obstétrique.

(3) Dixon, K. L., Carter, B., Harriman, T., Doles, B., Sitton, B., & Thompson, J. (2021). Neonatal thermoregulation: A golden hour protocol update. Advances in Neonatal Care, 21(4), 280-288.



 
 
 

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